Témoignage d’un malagasy qui a beaucoup voyagé !
Originaire du diocèse d’Antsiranana, ex-Diégo Suarez, dans le Nord de Madagascar, je vis le jour un certain 28 septembre 1956 en la fête de saint Wenceslas. Mes études primaires et secondaires m’ont amené à côtoyer les missionnaires spiritains. Après le bac et après avoir soigneusement accompli mon « service national », j’ai fait ma demande d’entrer dans la Congrégation, encouragé par mon père (il a servi l’Église comme catéchiste et responsable de communauté chrétienne de base).
Après le cursus normal du noviciat tenu à l’Ile de la Réunion (1982-1983) et la théologie à l’Institut missionnaire de Londres (1983-1986) où j’ai prononcé ma consécration perpétuelle, je fus ordonné prêtre le 21 septembre 1986 en la fête de saint Mathieu, (mon saint patron de cœur) dans ma ville natale de Andapa. Cette date pour moi n’est pas le fruit du hasard. J’y voyais un clin d’œil du Seigneur qui voulait à ce que comme Lévi (cf. Mt 9, 9), j’accepte de tout quitter pour Le suivre et partir là où IL souhaitait m’envoyer. Ce fut d’abord la Papouasie-Nouvelle Guinée où travaillaient des confrères irlandais expulsés du Biafra ; ils étaient heureux d’accueillir les membres de la jeune Fondation de l’Océan Indien (F.O.I).
C’était dur de quitter papa et maman pour venir travailler si loin en Océanie, mais c’était également déchirant de devoir quitter ce pays (la PNG) devenu ma seconde patrie … lorsque la Congrégation m’a demandé de rejoindre Ottawa au Canada en 1994 pour suivre des études de missiologie et de formateur en vue de prendre en charge la responsabilité de notre théologat à Antananarivo… un service que j’ai assuré durant trois ans avant que je sois élu Supérieur de la F.O.I qui regroupe les Spiritains de l’île Maurice, de la Réunion, des Seychelles et de Madagascar. Une fonction qui m’a conduit à déménager à la Réunion et aussi à découvrir – via les nombreuses rencontres internationales – les réalités et le quotidien des différentes circonscriptions spiritaines éparpillées à travers le monde, animées par le même leitmotiv du Cor unum et anima una.
Au terme de mon deuxième mandat de Supérieur de la F.O.I en 2007, le diocèse local m’a confié la charge de la paroisse saint François-Xavier de la Rivière-des-Pluies fondée par les Spiritains (et où était implanté le noviciat de la F.O.I) … avant de prendre en main l’animation de la paroisse saint Jacques en plein centre-ville. Après ces années de service, j’acceptai avec gratitude la proposition d’une année sabbatique, d’abord à Fribourg et ensuite à Knechtsteden… Les tractations pour une nouvelle mission en Australie étaient alors en cours lorsqu’une proposition de la Province de Suisse qui s’apprêtait à ouvrir une implantation en paroisse dans le Chablais fut partagée avec ma Province d’origine à Madagascar. Après le feu vert de cette dernière, je rejoignis la communauté spiritaine naissante de Collombey/Vouvry que j’ai quittée début septembre 2020 pour déposer ma valise à Erde, une paroisse dont on m’a confié la charge depuis le 1er septembre 2021.
Tout au long de ces années, les défis étaient nombreux. Partir dit-on, c’est mourir un peu. Mais le plus dur pour moi, c’était de ne pas avoir pu être présent ni aux obsèques de maman en février 1986 ni au départ de papa au terme de son pèlerinage terrestre en juin 2002. Ces moments difficiles se trouvaient toutefois allégés et « supportables » grâce à l’encouragement, au soutien et à la solidarité des confrères, des amis et de nos communautés. Ce qui n’est pas sans rappeler l’évangile : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maison, frères, sœurs, mères (…) » (Mc 10, 29ss).
Certes, on idéalise parfois la communauté. Mais c’est en vivant le quotidien avec ses confrères qu’on découvre que la communauté spiritaine est humaine et est loin d’être parfaite et que même consacrés, les membres sont loin d’être des saints tombés du ciel … et que ce travail de sanctification est l’œuvre de toute une vie, à condition bien sûr que tout le monde joue le jeu et se laisse modeler comme l’argile aux mains du potier, une expression chère au Vénérable François Marie-Paul Libermann (cf. ND, I, 638) qui nous invite et nous recommande à « se faire Nègre avec les Nègres ».(cf. ND, IX, 330)
Cela n’enlève en rien l’importance de la communauté (avec des confrères habitant sous le même toit) ou vivant en communauté régionale. Ces communautés qui nous apportent tant et qui restent ô combien précieuses au-delà des tensions qui peuvent surgir ici et là ! Oui, la communauté est une chance ! Car comme disait l’autre : « tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ». Enfin, « concilier action apostolique et vie intérieure » (ND XIII, 409) reste pour moi un défi … surtout dans le contexte paroissial. Toutefois, ne rien lâcher et en être conscient constitue déjà un pas qui nous conduit progressivement – avec les efforts qui y sont associés – vers l’objectif auquel nous tendons.
Wenceslas PIERROT RABE cssp